Dans ce commentaire, je reprendrais une partie de la critique que j'avaisi faite pour le coffret enregistré par John Eliott Gardiner dans les années 80 chez Erato et je ferais une comparaison avec le présent coffret des "Nouveaux caractères".
C'est à un vrai chef d'œuvre auquel nous avons à faire.
Ce « scylla et Glaucus » a sans doute pâti d'être né à l'époque où la tragédie lyrique jetait ses derniers feux, peut être aussi de la domination du grand Rameau.
Jean Marie Leclair n'était pas vraiment à la base prédestiné à la scène de l'opéra.
Violoniste virtuose et théoricien, il est surtout connu pour ses œuvres écrites pour son instrument fétiche.
Scylla et Glaucus prouve bien l'adage selon lequel un coup d'essai peut être un coup de maître.
Et pourtant Leclair qui rencontra un certain succès à la création de cette œuvre ne reviendra plus jamais par la suite à l'opéra.
Cet opéra nous dévoile une musique somptueuse, qui égale Rameau très souvent, aux danses élégantes et mélodiquement inspirées, un prologue délicieux qui est prétexte à la mise en valeur d'une série d'airs, de chœurs et de danses jubilatoires.
Le synopsis est assez limité et le livret pas vraiment génial comme ceux que Quinault en son temps pouvait produire pour Lully.
Mais cela a peu d'importance tellement la musique pure domine ici le propos, avec une italiannité qui pointe fortement son nez dans les arias.
Ce qui surprend aussi ce sont les qualités de coloriste et d'orchestrateur de Leclair ce qui nous fait regretter qu'il ait abandonné sa carrière de compositeur d'opéra pour ne se consacrer qu'au violon jusqu'à sa mort mystérieuse en 1764, suivant de quelques mois Rameau dans la tombe.
Alors je recommande donc aux amateurs de la tragédie lyrique de ne pas faire l'impasse sur celle-ci et de la ranger précieusement aux côté d'Atys de Lully, des Boréades ou d'Hypolite et Aricie de Rameau, d'Ulysse de Rebel ou d'Alcyone de Marais.
Le présent coffret fait donc suite à l'enregistrement de Gardiner 30 années plus tard
Leclair - Scylla et Glaucus / Brown, Yakar, Crook, Monteverdi Choir, English Baroque Soloists, Gardiner
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Une génération et demi de musicologues, musiciens, chanteurs séparent les deux gravures.
Pour autant y' a t il progrès et amélioration
Il est délicat de répondre à cette question tant les affinités avec telle ou telle gravure peuvent être suggestives et surtout que les options retenues ne sont pas les mêmes avec Sébastien d'Hérin.
Tout d'abord le style de Gardiner, éthéré, dansant, rond, désincarné, faisait sonner à merveille une musique magique et grandiose, alors que les Nouveaux Talents optent pour une version plus incarnée, charnelle, avec une prise de son sèche et amplitude très restreinte.
Ensuite, le plateau vocal : le Monteverdi Choir de Gardiner était opulent et bénéficiait de la prise de son ample qui solennisait ses interventions.
Le choeur du présent enregistrement est un peu maigrelet et la prise de son blanche fait plus tôt penser à un opéra de salon qu'à une oeuvre faite pour la majesté de la scène.
Dans l'enregistrement Gardiner, Howard Crook était impérial avec une voix solaire irrésistible dans le rôle titre.
Anders Dahlin, rompu au répertoire français, ne démérite pas trente ans plus tard mais à mon avis n'égale pas son prédécesseur.
Surtout la Circé de Gardiner, Rachel Yakar, est inaccessible à Caroline Mutel qui a du mal a incarner son personnage.
Emoke Barath chante Scylla avec peu de relief et ne sera pas inoubliable.
Donna Brown il faut le dire avait tout de même plus de présence.
Toutefois, malgré ces réserves et en gardant une préférence pour la version Erato, il faut avouer que c'est un bonheur que cet enregistrement conduit par Sébastien d'Hérin. Surtout quelle joie que d'avoir la chance de comparer deux versions différentes et de haut niveau d'une tragédie lyrique française.
Je vous conseille donc avec enthousiasme l'acquisition de ce beau coffret qui ne fera pas doublon dans votre discothèque si vous possédez déjà le précédent, tant le style diverge de son auguste devancier.